Roger Muraro, Jean-Jacques Justafré, Myung-Whun Chung - Messiaen: Des Canyons aux étoiles (2002)

En accord avec son titre, Des canyons aux étoiles... présente une sonorité plus émaciée, minérale, que sa célèbre aînée la Turangalîla-symphonie : les cordes y sont ramenées à un effectif minimal qui empêche la sensation d'enveloppement de l'auditeur, et le son s'y découpe souvent dans un silence souverain. Messiaen y développe moins que jamais, radicalisant son écriture par juxtaposition d'épisodes. De ce fait, les premières écoutes peuvent en être assez ingrates, mais au fur et à mesure que l'oreille reconnaît les thèmes et s'habitue à la raréfaction sonore, on y gagne un sentiment de liberté et de plaisir immenses. Voici bel et bien un des chefs-d'oeuvre orchestraux du grand Olivier, dont la présentation la veille de la 5° symphonie de Bruckner aux Académies musicales de Saintes 2004 a mis en exergue des points communs inattendus avec ce compositeur, et cette oeuvre en particulier : le catholicisme joyeux, voire naïf, la conjonction entre mysticisme et sensualité, le goût pour la grande forme, la progression "des canyons" (entendre l'introduction de la 5°) "aux étoiles" (entendre l'apogée des 2° et 4° mouvements de la 5°). Les interprètes, Muraro en tête, peuvent se prévaloir d'une virtuosité et d'une compréhension de Messiaen sans concurrence, et ce double disque est donc hautement recommandable.